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Messieurs Les Ronds-De-CuirsGeorges Courteline
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A l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Solférino, une régiment de cuirassiers qui regagnait au pas l’École Militaire força Lahrier à s’arrêter. Il demeura les pieds au bord du trottoir, ravi, au fond, de ce contretemps imprévu qui allait retarder de quelques minutes encore l’instant désormais imminent de son arrivée au bureau, conciliant ainsi ses goûts de flâne avec le cri indigné de sa conscience. |
At the corner of Boulevard St. Germain and Rue Solférino, a regiment of cavalrymen marching back to the Military School forced Lahrier to stop. He stood at the edge of the sidewalk, delighted, deep down, by this unexpected hitch that was going to delay his inevitable arrival at the office by a few minutes more, thus reconciling his affinity for strolling with the nagging of his conscience. |
Simplement, car l’énorme horloge du Ministère de la Guerre sonnait la demie de deux heures, il pensa : |
Only because the enormous clock of the Ministry of War was chiming half past two, he thought, “Damn! Yet another day I won’t arrive at noon.” |
Et les mains dans les poches, achevant sa cigarette, il attendit la fin du défilé. |
His hands in his pockets, finishing his cigarette, he waited until the end of the parade. |
Au-dessus de lui, c’était l’éblouissement d’un après-midi adorable. Comme il advient tous les ans, Paris, qui s’était endormi au bruit berceur d’une pluie battante, s’était réveillé ce matin-là avec le printemps sur la tête, un printemps gai, charmant, exquis, tout frais débarqué de la nuit sans avoir averti de sa venue, en bon provincial qui arrive du Midi, tombe sur les gens à l’improviste et s’amuse de leur surprise. Par-delà les toits des maisons, derrière les hautes cheminées, le ciel de l’avril s’étendait, d’un bleu profond et sans un nuage, perdu au loin dans une grisaille brumeuse. Une immense nappe de soleil balayait d’un bout à l’autre la chaussée du boulevard dont les fenêtres, à l’infini, miroitaient comme des lames d’épée, et sur l’asphalte des trottoirs les ombres jetées en biais des platanes et des marronniers semblaient des bâtons d’écolier tracés par une main géante. |
The brilliance of a pleasant afternoon shone overhead. As it happens every year, Paris, which had fallen asleep to the lulling noise of pounding rain, had awakened that morning styled in spring, a joyous spring, charming, delightful, freshly blown in overnight without having given notice of its arrival, in the manner of a peasant who arrives from the countryside, drops in on people catching them unawares, and who is amused at their surprise. Beyond the roofs of the houses, behind the tall chimneys, the April sky stretched out, in a cloudless, deep blue, fading in the distance to an obscure grey. An immense wash of sunlight swept across the blanched surface of the boulevard that was lined as far as the eyes could see with windows gleaming like blazing swords. Slanting over the asphalt of the sidewalks, the shadows cast by plane and chestnut trees seemed like schoolchildren’s scrawl traced by a giant hand. |